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Valeri Brioussov – Lettre sur la littérature russe

Valeri Brioussov n’a à notre connaissance par été traduit en français de son vivant. Il est pourtant régulièrement cité dans la presse d’alors comme un auteur, poète et critique important. Cette dernière activité aura été d’ailleurs fondamentale pour la littérature du tournant du siècle, car Brioussov aura aidé à faire émerger toute une série d’auteurs importants.

Parmi les rares écrits qu’on connaît de lui dans la presse française, se trouve un cours article publié en 1905 et consacré à un bref panorama de la littérature russe contemporaine. Nous le reproduisons ici en intégralité. Du fait qu’il a probablement été rédigé directement en français (une langue que Brioussov maîtrisait parfaitement), nous avons fait le choix de respecter les translittérations, parfois étonnantes, des noms propres.

Lettre sur la littérature russe par Valère Brussov

Valery_Bryusov_c._1900

Première parution : Le Beffroi, 1905.

Après l’épanouissement du roman qui, vers 1860 et 1870, fut représenté par Dostoïevsky, par Tourguénieff et par Tolstoy, la littérature russe tomba en déchéance. Pas un talent vraiment remarquable (excepté toutefois Vsevolode Garchine, mort tout jeune) n’a paru pendant ce temps. Mais les dernières années du siècle passé furent pour les lettres russes une époque de renouveau.

Le mouvement le plus connu à l’étranger est celui auquel se rattache le nom de Maxime Gorky. Ses œuvres eurent un grand succès en Allemagne et parurent également dans quelques éditions françaises (entre autres dans celles du « Mercure de France »). Gorky est incontestablement un talent original ; on rencontre dans ses récits des types surprenants, mais il lui manque la profondeur de perception et la largeur des horizons. Le succès dont jouissent ses œuvres est exclusivement dû au milieu qu’elles dépeignent. Mais les mêmes types, à se répéter toujours dans ses livres, finissent par fatiguer. Son procédé est purement romantique, et ce romantisme est parfois de mauvais goût. Ce dernier temps, ayant abandonné la nouvelle, Gorky s’est livré au théâtre. Son chef-d’oeuvre dramatique, Les Bas Fonds, n’est qu’une série de scènes dialoguées tirées de ses romans. Quant à son drame, Les Habitants des Villas, il ne s’élève pas au-dessus de la médiocrité. L’Homme, un poème en prose, paru l’automne dernier, est un assemblage d’exclamations de rhétorique, un pêle-mêle d’idées mal comprises de Nietzsche et de Carlile.

Une beaucoup plus grande portée artistique peut être attribuée au talent de Léonidas Andréïeff, rangé dans le groupe de Gorky. Il doit être considéré, depuis la mort prématurée d’Antoine Tchékoff, comme le plus remarquable nouvelliste russe. Ses pages sinistres, au langage suggestif et exceptionnel, éveillent les questions sombres et compliquées de la psychologie humaine. Par quelques côtés de son talent il s’approche du génie d’Edgar Poë, tout en conservant une âme purement russe. Son chef-d’oeuvre est un récit publié en l’automne de 1904 sous le titre de La Vie du Père Tivéisky. C’est l’histoire d’un pauvre prêtre de village qui, après avoir eu la foi naïve en la justice de Dieu, est conduit à tous les doutes par toutes sortes de malheurs et de misères. Dans un élan de demi-extase et de demi-désespoir, le pauvre prêtre adresse à un mort les paroles mêmes de Jésus-Christ : « C’est moi qui te le dis, lève-toi ! » Le miracle ne s’accomplit pas ; le cadavre reste immobile. Le prêtre succombe à une violente commotion et meurt. C’est cette éternelle question que l’auteur pose encore une fois par : Comment Dieu peut-il exister s’il y a la mort ? – Il y a peu de jours, a paru un nouveau récit de L. Andréïeff, Le Rire Rouge, où il a tenté de dépeindre toute la folie de la guerre. On trouve dans ces pages des scènes troublantes, cependant Andréïeff n’a pas réussi à esquisser un tableau épique : il est trop psychologue pour cela.

Au même groupe appartiennent encore I. Bounine, E. Tchirikoff, S. Naïdénoff, S. Iouchkévitch, etc., mais leur talent est considérablement inférieur à celui de Gorky et d’Andréïeff.

Un cercle moins connu à l’étranger est représenté par des écrivains qui appartiennent à un mouvement d’idées analogue à celui qu’on appelait en France « la décadence » et « le symbolisme ». Les poètes de ce groupement se divisent en deux écoles.

La première, c’est l’ancienne génération qui s’était jointe déjà, vers 1890, aux groupements littéraires de l’Occident. Peu à peu ceux-là ont passé des questions purement esthétiques aux questions presque exclusivement mystiques et religieuses. Les prêcheurs des idées de Nietzsche et d’O. Wilde se mirent à enseigner un christianisme renouvelé, une église nouvelle qui remplacerait le catholicisme, le schisme et le protestantisme. Cette église nouvelle, celle de St-Jean, s’efforce de joindre les principes de l’humilité chrétienne à celle de l’individualisme païen, les idéaux du christianisme à ceux du dionysisme. Des réunions philosophico-religieuses organisées dans le but de propager ces idées attirèrent un grand nombre d’auditeurs parmi le clergé et les cercles de la haute société de Saint-Pétersbourg. L’organe de ce groupe fut La Voie nouvelle, une excellente revue mensuelle qui, malheureusement, a cessé de paraître cette année. Les personnes qui ont pris une part très active à cette publication sont Mme Zénaïde Guippius, MM. D. Mérejkovsky, N. Minsky et V. Rosanoff.

L’âme de ce mouvement fut, il faut le reconnaître, D. Mérejkovsky. Ses études sur L. Tolstoy et sur Dostoïévsky et ses deux romans : Julien l’Apostat et Léonardo da Vinci sont traduits en langue française, anglaise, allemande, italienne et autres. Toute la philosophie de ses doctrines est exposée dans ces œuvres. Dans son dernier roman, Pierre et Alexis, qui est en cours de publication, Mérejkovsky démontre une fois de plus la lutte des deux principes universels. Pierre est, dans cette histoire, un représentant du paganisme, et son fils Alexis, du christianisme. La lutte du père et du fils est figurée comme une antithèse éternelle du Christ et de l’Antichrist. Il y a de belles pages dans ce livre, la caractéristique de Pierre est brillante, mais une trop grande érudition et une partialité évidente nuisent à l’impression qui s’en dégage.

Un peu plus tard que le groupement de La Voie Nouvelle, se leva à la défense des nouveaux principes de l’art la seconde génération de poètes qui restèrent toujours fidèles aux principes exclusivement esthétiques. À l’heure actuelle, ces écrivains sont groupés autour de deux librairies : « Le Scorpion » et « Le Griffon » et aussi autour de la revue La Balance. La plupart de ces poètes sont influencés par Verlaine, par Mallarmé, par Verhaeren, par Maeterlinck…

Le plus remarquable d’entre eux est un poète lyrique : Constantin Balmont. Quelques traductions de ses poésies ont paru dans La Plume. Par la puissance de son talent il est un des plus grands poètes russes ; ses chants tendres et mélodieux ont entièrement transformé le vers russe, en le dotant d’une sonorité tout à fait neuve. Il vient de paraître un nouveau recueil de vers de C. Balmont : La Liturgie de la Beauté ; l’auteur y chante en hymnes passionnés les éléments : le feu, l’eau, l’air, la terre… De tous les poètes du monde, Balmont rappelle le mieux Shelley, aussi a-t-il admirablement réussi à traduire son œuvre complète. En outre, possédant une vaste connaissance des langues, M. Balmont a donné aux lecteurs russes des traductions d’Edgar Poë, des meilleurs drames de Calderon et toute une série de pièces de Hauptmann, Ibsen et Maeterlinck.

Un phénomène tout à fait original dans la littérature russe contemporaine est M. André Bjély (un pseudonyme). Quoique très lié au cercle du « Scorpion » il est entièrement adonné aux recherches mystico-religieuses qui le rapprochent du groupement de « La Voie Nouvelle ». Jeune encore, il a devant lui tout un grand avenir. Son dernier livre intitulé Le Renouvellement représente une symphonie, genre tout-à-fait extraordinaire, quoique chose de neutre entre le récit et la poésie en prose, entre les visions d’un halluciné et la simple description de la réalité. Le réel et l’irréel se côtoient dans cet ouvrage étrange et, des détails les plus familiers de la vie, l’auteur y fait découler des causes mystiques et mystérieuses.

Parmi les autres œuvres récentes de la jeune littérature il faut citer Les Vers à la Belle Dame, par A. Block, – des hymnes à une « Dame » mystique ; un recueil de poésies lyriques, La Translucidité, par Venceslas Ivanoff, poète remarquable par la vérité de ses images et l’originalité de son style sagement paré de néologismes sur Dionysos – dieu de l’immortalité dans la croyance des Grecs – La Religion hellénique du dieu souffrant. Nommons encore Le Livre des Contes, par T. Sologoub, un recueil de petites paraboles très spirituelles et irréprochables de forme.

Il faut remarquer cependant que la malheureuse guerre et les désordres intérieurs, menaçant de prendre les proportions d’une révolution, ont pendant toute l’année enrayé la vie naturelle de la littérature. Le public a perdu le goût des éditions artistiques ; le commerce des livres a baissé. Seule, la vente des journaux quotidiens s’agrandit sensiblement, le tirage de quelques-uns d’entre eux a atteint le nombre de 160.000 – chose inouïe en Russie.

Récit sur un ivrogne

Les XVIIe et XVIIIe siècles, en littérature russe, offrent des spécimens de croisement entre la littérature populaire et la littérature orale assez étonnants. Il s’agit le plus souvent de contes, qui nous ont été conservés soit par des imprimés (voir le Conte ancien sur le juge Chemiaka), soit par des manuscrits. Nous avons déjà utilisé cette deuxième catégorie pour publier deux contes sur Ilya Mouromets. Mais il ne s’agit pas que de bylines mises en prose : il y a aussi des contes satiriques, parfois anticléricaux.

Ces textes ont été pour l’essentiel publiés à l’époque soviétique, et il se peut qu’un jour, nous puissions en tirer un recueil. C’est là un de nos vieux souhaits, mais cela demanderait cependant beaucoup de temps et d’efforts pour traduire ces récits dont la langue est évidemment vieillie.

En attendant, nous vous en proposons ci-dessous un exemple, avec le Récit sur un ivrogne (Skazanie o bražnike). On connaît de celui-ci plusieurs variantes. Nous avons suivi celle éditée par V. P. Adrianova-Perets dans son article « Iz istorii teksta antiklerikal’nyx satir (‛Skazanie o bražnike’ i ‛Skazanie o pope Save’ », Trudy Otdela drevnerusskoj literatury, 1957, Akademija nauk SSSR, T. 13, p. 498-499. Mais on pourra trouver d’autres versions sous le titre de Povest’ o bražnike, publiées par exemple par V. P. Adrianova-Perets, Russkaja demokratičeskaja satira XVII veka, 1977, Moscou, Izdatel’stvo « Nauka » (avec commentaires) et par A. Afanassiev, Narodnye russkie legendy, 1859.

Les russisants pourront lire à son sujet une étude dotée d’une bibliographie assez complète ici.

Pour cette traduction, nous avons adopté une façon de faire quasi juxtalinéaire, de manière à montrer le style tout particulier de ces contes, à la limite de l’oralité.

Récit sur un ivrogne

Сказание о бражнике

Texte satirique du XVIIe siècle

Il était une fois un ivrogne qui buvait beaucoup, et à chaque godet, à chaque repas il célébrait Dieu. Par le mandement de Dieu, un ange vint chez lui, prit son âme, la déposa à côté des portes de l’honorable paradis et partit.

Alors, l’ivrogne commença à vadrouiller à côté des portes de l’honorable paradis. L’apôtre Pierre vint et lui dit : « Qui vadrouille à côté des portes de l’honorable paradis ? » L’ivrogne lui répondit : « Je suis un ivrogne, je veux être avec vous, au paradis ». Et l’apôtre Pierre lui répondit : « Les ivrognes n’ont pas le droit d’y entrer, on n’installe pas les ivrognes au paradis, le martyre éternel est destiné aux ivrognes ». Alors, l’ivrogne lui répondit : « Mais qui es-tu, seigneur ? J’entends ta voix mais je ne connais pas ton nom ». Pierre lui répondit : « Je suis Pierre, l’apôtre primordial. Dieu m’a confié la clé de l’honorable paradis ». Alors, l’ivrogne lui répondit : « Seigneur Pierre, est-ce que tu te souviens quand, pendant la crucifixion de Christ, tu l’as renié ? Ce sont tes larmes qui t’ont aidé, sinon, tu ne serais pas au paradis, c’est pourquoi Dieu t’a donné la clé de l’honorable paradis. Et moi, chrétien orthodoxe, pourquoi tu ne me laisses pas passer au paradis ? Moi, ivrogne, je buvais de bonne heure, et à chaque godet je célébrais Dieu ». Pierre, humilié, s’en alla.

L’ivrogne recommença à vadrouiller à côté des portes de l’honorable paradis. L’apôtre supérieur Paul vint et lui dit : « Qui vadrouille à côté des portes de l’honorable paradis ? ». L’ivrogne répondit : « Je suis un ivrogne, je veux être avec vous, au paradis ». Paul lui répondit : « Les ivrognes n’ont pas le droit d’entrer au paradis, le martyre éternel est destiné aux ivrognes ». Alors l’ivrogne répondit : « Mais tu es qui, seigneur ? J’entends ta voix mais je ne connais pas ton nom ». Paul lui répondit : « Je suis Paul, l’apôtre supérieur, j’ai ressuscité la terre paisible ». L’ivrogne lui répondit : « Seigneur Paul, tu te souviens quand Dieu t’a donné le droit de convertir les croyants au Christ, et que tu as tué le diacre Stéphane avec une pierre ? Et maintenant, pourquoi tu es au paradis, et moi, chrétien orthodoxe, pourquoi tu ne me laisses pas passer au paradis ? Je buvais toujours, de bonne heure, et à chaque godet je célébrais Dieu ». Paul, humilié, s’en alla.

L’ivrogne recommença à vadrouiller à côté des portes de l’honorable paradis. Le roi David vint vers les portes et dit : « Qui vadrouille à côté des portes du paradis honorable ? » L’ivrogne lui répondit : « Je suis un ivrogne, je veux être avec vous, au paradis ». Le roi David dit : « Dieu ne se dérangera pas, et tu n’es pas prêt au règne éternel, mais le martyre éternel t’est destiné. Va-t’en, homme ». Alors, l’ivrogne dit : « Mais qui es-tu, seigneur ? J’entends ta voix mais je ne connais pas ton nom ». Le roi David lui dit : « Je suis le roi David ». Alors, l’ivrogne lui répondit : « Tu te souviens quand tu as envoyé ton serviteur au service, que tu as ordonné de le tuer, et que tu as mis sa femme dans ton lit ? Pourquoi, donc, tu es au paradis ? Et moi, l’ivrogne, je buvais toujours, de bonne heure, et à chaque godet je célébrais Dieu, et toi, l’adultère et le meurtrier, pourquoi, donc, tu es au paradis, et moi, chrétien orthodoxe, pourquoi tu ne me laisses pas passer au paradis ? ». Le roi David s’étonna à cette réponse sage, et humilié, s’en alla.

L’ivrogne recommença à vadrouiller à côté des portes de l’honorable paradis. Le roi Salomon vint vers les portes et dit : « Qui vadrouille à côté des portes de l’honorable paradis ? » L’ivrogne lui répondit : « Je suis un ivrogne, je veux être avec vous, au paradis ». Et le roi Salomon dit : « Va-t’en, homme, les ivrognes n’ont pas le droit d’entrer au paradis, le martyre éternel est destiné aux ivrognes. Celui qui ne vit pas selon les commandements de Dieu n’a pas le droit d’entrer au paradis ». Alors, l’ivrogne répondit : « Mais qui es-tu, seigneur ? J’entends ta voix mais je ne connais pas ton nom ». Et le roi Salomon lui répondit : « Je suis le roi Salomon, j’ai construit l’église à Jérusalem, le saint des saints ». L’ivrogne lui dit : « Tu te souviens, quand ton serviteur [reprise du discours à David, répété par erreur] comment Dieu t’as fait sortir de la bouche de Baal, et c’est à cause de David, son esclave, qu’il ne t’a pas extirpé de l’enfer, et de plus, une phrase que tu as prononcé t’a aidé : mon Dieu, n’oublie pas ces pauvres jusqu’à la fin. C’est pourquoi tu es sorti de la bouche de Baal. Et moi, ivrogne, je buvais, et à chaque godet je célébrais Dieu, et en dehors de Dieu je ne célébrais personne ». Et l’ivrogne continua : « Dieu de miséricorde, comme tu es avare envers les hommes. Ces pécheurs, tu les as laissés entrer au paradis tout de suite, et moi, chrétien orthodoxe, pourquoi tu ne me laisses pas entrer au paradis ? » Salomon s’étonna de cette réponse sage, et humilié, s’en alla.

L’ivrogne recommença à vadrouiller à côté des portes de l’honorable paradis honorable. Et saint Nicolas vint vers les portes et dit : « Qui vadrouille à côté des portes de l’honorable paradis ? » L’ivrogne lui répondit : « Je suis un ivrogne, je veux être avec vous, au paradis ». Saint Nicolas lui répondit : « On n’installe pas des ivrognes ici, le martyre éternel est destiné aux ivrognes ». Alors, l’ivrogne lui répondit : « Mais qui es-tu, seigneur ? J’entends ta voix mais je ne connais pas ton nom ». Nicolas le thaumaturge lui dit : « Je suis saint Nicolas ». L’ivrogne lui répondit : « Tu te souviens quand lors du septième concile, des ecclésiastiques accusaient des hérétiques, et que tu as porté la main sur les hérétiques ? Il ne convient pas aux saints d’être impertinents. Tu as exigé des offrandes des chrétiens orthodoxes : du doux kanoun1. Et maintenant tu es au paradis, et moi, chrétien orthodoxe, pourquoi tu ne me laisses pas passer au paradis ? » Saint Nicolas s’étonna à cette réponse sage et, humilié, s’en alla.

L’ivrogne recommença à vadrouiller à côté des portes de l’honorable paradis. Jean l’Évangéliste vint vers les portes et dit : « Qui vadrouille à côté des portes de l’honorable paradis ? » L’ivrogne lui répondit : « Je suis un ivrogne, je veux être avec vous, au paradis ». Alors, Jean l’Évangéliste lui répondit : « J’ai écrit dans l’Évangile que les ivrognes ne laisseraient pas de traces dans le royaume de Dieu ». L’ivrogne dit : « Mais tu es qui, seigneur ? J’entends ta voix mais je ne connais pas ton nom ». Jean l’Évangéliste répondit : « Je suis Jean l’Évangéliste, l’ami du Christ, j’ai écrit l’Évangile comme saint Luc et saint Marc sur le Dieu unique ». Alors, l’ivrogne dit : « Jean l’Évangéliste, est-ce que tu te souviens quand Dieu vous a envoyé pour enseigner, prêcher, baptiser, pour que les chrétiens s’aiment les uns les autres et supportent les peines, et ainsi accomplissent la loi de Dieu ? ».

Et alors, Jean l’Évangéliste laissa passer l’ivrogne dans le paradis. L’ivrogne s’installa sur la meilleure place, et fut béni maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

1Boisson à base de farine de malt, sans houblon – NdT.

Le sommaire des « Premiers feux »

 

D’ici la fin de l’année, nous ferons paraître, entre deux autres livres, et donc à une date encore indéterminée, Les Premiers feux, une anthologie de science-fiction et de récits d’anticipation russes antérieurs à l’avènement de Staline au pouvoir.

SF couverture 2

Nous avons ainsi sélectionnés des textes qui vont de 1820 à 1924, textes très divers, le sommaire mêlant reprises de traductions anciennes, extraits de certaines de nos publications et traductions inédites. Il eut sans doute été possible de faire plus, mais le volume obtenu sera déjà fort conséquent, surtout pour une anthologie qui n’a pas d’équivalent en France et que nous avons conçu comme un pendant à nos Dimension Russie et Dimension URSS parus il y a quelques années chez Rivière Blanche. Avec ce nouveau volume, c’est donc l’ensemble de l’histoire de la science-fiction russe qui se trouve couverte.

Wilhelm Küchelbecker, Lettres d’Europe, 1820

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

Alors que l’Europe est retombée dans la barbarie, un riche Américain vient en touriste en visiter les ruines.

Vladimir Odoievski, L’An 4338, 1835-1840

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

Dans un lointain futur, une comète menace de détruire la Terre. Un jeune Chinois, cependant, vient visiter la toute puissante Russie et découvrir ses merveilles technologiques.

Dmitri Mamine-Sibiriak, Les Derniers feux, 1897

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

L’Europe est retournée à la civilisation médiévale. Mais dans ce chaos général, subsiste un temple, servi par des jeunes vestales.

Vladimir Soloviev, L’Antéchrist, 1900

Trad. Eugène Tavernier

Après des décennies d’errance politique et civilisationnelle, voici venir le règne de l’Antéchrist.

Valeri Brioussov, Le Soulèvement des machines, 1908

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

Tout semble bon, dans ce futur où la vie est largement automatisée, où les besoins quotidiens sont confiés à des machines. Mais les machines voudront-elles toujours être esclaves ?

Alexandre Kouprine, Le Parc royal, 1911

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

Enfin la monarchie a été abolie, et non sans mal. Mais comment faire en sorte de ne plus y retomber sans pour autant faire preuve de cruauté envers les derniers monarques ? En les regroupant dans un parc, comme des bêtes de foire ?

Ferdynand Ossendowski, La Lutte à venir, 1914

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

Les trusts industriels ont asservi le monde, et une bonne part de l’humanité vit et meurt dans leurs usines souterraines. Mais un riche ingénieur va mener la révolte.

Efim Zozoulia, Le Conte sur Ak et l’humanité, 1919

L’humanité est enfin régie de façon rationnelle, et cette rationalité impose une évidence : il faut éliminer les inutiles. Mais voilà que Ak, le grand dirigeant, vient à disparaître.

Alexandre Kouprine, Le Paradis, 1921

Trad. Viktoriya et Patrice Lajoye

Enfin le communisme est en place. Mais peut-on vivre dans un monde où l’on n’est plus qu’un numéro, et où l’on mange mieux le lendemain de la mort d’un camarade ?

Mikhaïl Artsybachev, Sous le soleil, 1924

Trad. Louis Durieux

Après la Révolution d’Octobre 1917, l’Europe entière s’est retrouvée plongée dans un chaos de conflits armés. Bien des années après, un petit groupe de sauvages découvre le journal d’un des soldats.

 

 

 

Concours « L’Île des navires perdus »

Dans un peu plus d’un mois sortira L’Île des navires perdus, étonnant roman d’aventure d’Alexandre Beliaev. C’est l’occasion pour nous de lancer quelque chose que nous aimons bien faire: un petit concours.

Donc, nous reprenons le même principe que pour le concours précédent: avant le 31 août, 20h, partagez sur votre blog, sur votre page Facebook ou Google + (dans ces deux derniers cas en mode public) cette note ou l’image de la couverture de L’Île des navires perdus, puis postez le lien en commentaire ici ou sur notre page Facebook.

Couv Beliaev

Le gagnant sera tiré au sort et remportera un exemplaire du roman!

Bonne chance à tous!

Vassili Levchine

Vassili Bogouslaevitch, suivi de Tchourilo Plenkovitch

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Édition numérique

1,29€. Disponible sur KoboAmazon Kindle, Google Play et Lulu.com

Au XVIIIe siècle, la Russie commence à collecter et étudier son folklore. Vassili Levchine publie entre 1780 et 1783 un important recueil de contes, contenant, entre autres deux chants épiques notés en proses: Vassili Bogouslaevitch, et Tchourilo Plenkovitch. Mais Levchine n’est pas un scientifique: aux histoires issues de la tradition, il ajoute sa propre imagination…

Traduction anonyme du russe révisée et annotée par Viktoriya et Patrice Lajoye

Vassili Levchine (1746-1826)

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Ancien cuirassier, retraité de l’armée russe, proche de l’éditeur Novikov, il fut un véritable polygraphe, qui, à la manière plus tard d’un Odoievski, écrivit sur tout et n’importe quoi. Et parmi tout ceci, un important recueil de Contes russes, publié en 1780-1783, l’un des premiers du genre.

Ses livres:

Vassili Bogouslaevitch, suivi de Tchourilo Plenkovitch (numérique seulement)

Vassili Levchine: le Perrault russe

Amis lecteurs, vous connaissez sans doute notre passion pour le folklore des Slaves de l’Est, et notamment pour les chants épiques, qu’ils soient russes (les bylines) ou ukrainiens  (les dumy). Nous pensions à tort que le premier à avoir fait parler de ces chants en France était Alfred Rambaud, avec sa Russie épique. Étude sur les chansons héroïques de la Russie, publiée chez Maisonneuve en 1876.

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Nous nous trompions. Dès 1804 paraissaient dans les Archives littéraires de l’Europe deux textes présentés comme des contes russes, mais qui étaient en réalité des bylines en prose. Des bylines un peu particulières, cela-dit, car si elles ressortaient de types bien connus, elles contenaient des éléments très particuliers, vraisemblablement dus à la plume d’un auteur. Cet auteur (qui n’est pas mentionné dans ces traductions françaises), c’est Vassili Levchine. Ancien cuirassier, retraité de l’armée russe, proche de l’éditeur Novikov, il fut un véritable polygraphe, qui, à la manière plus tard d’un Odoievski, écrivit sur tout et n’importe quoi. Et parmi tout ceci, un important recueil de Contes russes, publié en 1780-1783, l’un des premiers du genre donc.

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Rien de tout ceci ne semble avoir été traduit en français, en dehors donc des deux contes des Archives littéraires, que nous rééditons aujourd’hui, en les accompagnant de commentaires. Mais il est clair qu’il faudra un jour faire découvrir aux lecteurs français les Contes russes de Levchine.

Andreï Zarine (1862-1929)

Zarine
Andreï Zarine est né à Saint-Pétersbourg et a longtemps exercé la profession de journaliste. Il est un maître du roman historique et du roman de détective d’avant la Révolution d’Octobre. Avec Nuit terrible, il anticipe un genre qui n’existait alors pas: le thriller..

Ses livres:

Nuit terrible (numérique seulement)

 

Andreï Zarine

Nuit terrible

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Édition numérique

1,29€. Disponible sur KoboAmazon Kindle, Google Play et Lulu.com

Dans le port de Riga, un petit bateau de transport se prépare à convoyer une ultime cargaison vers l’Écosse avant l’hiver. Mais voilà qu’un jeune homme, un colosse au visage de jeune fille, parvient à se faire recruter comme mousse. Pourtant, sa première action à bord sera de voler ses camarades, qui le puniront en conséquence…

Traduit du russe par A. Blanchecotte. Texte révisé par Viktoriya et Patrice Lajoye

Andreï Zarine, un maître du détective

Depuis quelques années, éditeurs et lecteurs russes redécouvrent Andreï Efimovitch Zarine (1862-1929), auteur tombé dans l’oubli à sa mort, mais qui fut célèbre au début du XXe siècle.

Zarine est né à Saint-Pétersbourg, où il a fait une partie de ses études avant d’intégrer un lycée de Vilnius. Il commence à publier en 1881 dans un journal local. En 1883, il est arrêté pour détention et distribution de littérature illégale (autrement dit de propagande révolutionnaire), mais il est libéré sous caution un mois plus tard. Il revient à Saint-Pétersbourg en 1884. En 1906, alors qu’il était rédacteur en chef du journal La Vie moderne, il fut condamné à un an et demi de prison.

Son œuvre, abondante, comprenant à la fois des romans et des recueils de nouvelles, se partage essentiellement entre deux genres : le roman historique et le policier. Si, pour ce qui concerne le premier, il était loin d’être le seul, pour le second, il fait figure de précurseur. Il continua à publier après la Révolution d’octobre, toujours dans le domaine du roman historique, y ajoutant des récits d’histoire révolutionnaire.

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Le texte que nous rééditons aujourd’hui, Nuit terrible, est une œuvre de jeunesse de l’auteur. C’est la seule nouvelle de lui qui ait été traduite en français. Elle ne relève ni du roman historique, ni du détective, mais d’un genre qui n’existait pas encore : le thriller.