Comment meurt un roman

Notre travail sur Nady Baschmakoff n’est pas achevé. En dehors des Dieux puissants, celle-ci a aussi écrit une poignée de nouvelles et surtout un autre roman, Le Lion de Saint-Marc, qui fut lui-aussi publié dans la Revue Contemporaine, dirigée par son père.

La publication de ce roman a commencé en 1912, et comme d’ordinaire, celui-ci paraissait en feuilleton, parmi les articles. Mais voilà qu’au début de l’année 1913, la formule change, et le roman se retrouve expulsé en supplément littéraire: un honneur, en quelque sorte, un moyen de le mettre en avant… mais aussi un moyen de le détacher de la revue.

De fait, la Bibliothèque nationale de France ne possède pas ce supplément. Nous nous sommes lancés dans des recherches, et avons mis à contribution le service du Prêt en Bibliothèques universitaires. La bibliothèque de Nanterre a répondu présent: elle a pu fournir une centaine de pages, en trois lots séparés. Puis la BULAC (Bibliothèque universitaire des Langues et Civilisations, qui chapeaute maintenant la bibliothèque du Centre d’Études Slaves) a pu fournir de nouveaux lots.

Mais il manque encore 46 pages. Et il n’existe nulle autre collection publique française les contenant. Nous avons fait appel au réseau étranger, bien sûr, mais la situation est encore pire. La Revue Contemporaine était éditée en Russie pour le public francophone. Mais elle était ouvertement impérialiste… Il n’en reste rien dans les principales bibliothèques russes. Et rien du supplément dans les autres pays.

Voilà comment meurt un roman. À notre grand regret. Le Lion de Saint-Marc débutait comme un des romans fantastiques historiques de Vsevolod Soloviev, en prenant place à Venise et en faisant évoluer des personnages dotés de pouvoirs particuliers.

Reste l’éventualité de la découverte d’une collection privée. Mais l’espoir est faible.