Andreï Kourkov – Une petite interview (2010)

Etant donné la présence (officielle, puisque certains n’ont pas daigné se montrer dans le salon du livre) de nombreux écrivains russophones aux Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, nous avons profité de cette opportunité pour réaliser une micro-interview d’Andreï Kourkov, un auteur que nous aimons décidément beaucoup.

Russkaya Fantastika : Nous ne savons pas si vous êtes au courant, mais en Ukraine, Oleg Ladyjenski et Dmitri Gromov ont publié un dictionnaire sur les auteurs fantastiques ukrainiens, et vous êtes au sommaire. Est-ce une étiquette que vous acceptez ?

Andreï Kourkov : Je n’ai jamais dit que j’écris des choses fantastiques, mais je dis toujours qu’il n’y a pas de science-fiction dans mes livres. Mais il y a un certain réalisme magique ou du surréalisme.

RF : Pourtant dans la fin de Laitier de nuit, on s’oriente clairement vers une sorte de pseudo-utopie sociale, un motif qu’on retrouve très fréquemment en science-fiction. D’ailleurs le postulat que vous développez est finalement assez proche de celui du roman de Marina et Sergueï Diatchenko, La Caverne.

AK : Je n’ai pas lu les livres des Diatchenko. Ils écrivent de la fantasy, et je ne suis pas lecteur de fantasy. Par contre, j’ai déjà écrit des romans utopiques, qui ne sont pas traduits en France, tout en étant connus en Russie. Il s’agit de Le Monde de Bickford (Бикфордов мир – 1993) et La Géographie d’un coup de feu (География одиночного выстрела – 2003).

RF : Y a-t-il une chance que pour cela paraisse en français un jour ?

AK : Je ne sais pas car ils sont un peu compliqués, et ce sont de grands romans : La Géographie… a trois volumes. Peut-être un jour, je ne sais pas…

RF : Quels sont les vrais personnages de vos romans : les héros ou la société ?

AK : Les deux. Et la ville de Kiev. Dans mes premiers romans comme Le Pingouin et Les Pingouins n’ont jamais froid, c’est plutôt la société. Mais à partir de peut-être Le Caméléon, les héros sont alors plus actifs que la ville. D’abord parce que lors de la chute de l’Union Soviétique, la ville était plus active que les gens. Les gens restaient passifs et se cachaient. Ils étaient en fait chassés par la société, par la vie sociale. Et à partir de 1997, quand j’écrivais Le Caméléon, les gens essayaient de devenir plus actifs, un peu plus dynamiques.

RF : Il y a dans Laitier de nuit énormément d’éléments politiques. Pour vous, quel est l’avenir de l’Ukraine, vu ce qui s’y passe actuellement ?

AK : Ce qui se passe en ce moment n’a rien à faire avec l’Ukraine de l’avenir.

RF : La classe politique actuelle dans son ensemble ne vous satisfait pas ?

AK : Ca n’est pas une élite, ça n’est pas la même classe. C’est sont des gens qui viennent du monde de l’économie. Des gens qui étaient hommes d’affaire ou fonctionnaires et qui entrent au gouvernement car cela leur confère une immunité contre les affaires criminelles. Ils ne peuvent pas être jugés. Ca n’est pas la classe politique de demain.